Les mariages précoces privent chaque année des milliers de filles béninoises de leur droit à l’éducation. Cet article s’appuie sur les réalités observées dans le nord du Bénin pour analyser les causes de ce phénomène et proposer des pistes d’action concrètes.
Selon le Rapport mondial de suivi sur l’éducation (UNESCO, 2023), l’Afrique de l’Ouest demeure l’une des régions présentant les écarts de scolarisation les plus marqués entre les filles et les garçons. À titre d’exemple, les statistiques de l’INStaD révèlent un taux d’achèvement du second cycle de 23,9 % au collège pour les garçons, contre seulement 14,6 % pour les filles en milieu rural. Nous proposons une analyse contextualisée des départements de l’Alibori, de l’Atacora et de la Donga, au Bénin, à partir de données recueillies lors des dialogues communautaires, des causeries éducatives et des retours d’expérience menés avec des adolescentes de moins de 18 ans, souvent contraintes au mariage dès le début de leur puberté.
La tendance observée montre que l’accès des filles à l’éducation, ainsi que leur épanouissement personnel et social, reste fortement entravé par la persistance des mariages précoces dans les zones rurales, en dépit des lois en vigueur.
Sommaire
Mariages précoces et forcés au Bénin : que disent les réalités du terrain en milieu rural ?
Une fille sur trois est mariée avant 18 ans dans les départements de l’Alibori, de l’Atacora et de la Donga. Ce chiffre alarmant reflète une persistance des mariages précoces malgré les multiples efforts de sensibilisation déployés, tels que les campagnes communautaires impliquant chefs traditionnels et religieux, les programmes scolaires d’éducation aux droits des enfants, et les plaidoyers médiatiques pour faire connaître les lois interdisant le mariage avant les 18 ans. Trop souvent encore, des traditions profondément ancrées et des conditions économiques fragiles enferment des milliers de filles dans un avenir qu’elles n’ont pas choisi. Sous le poids des normes patriarcales, des pressions communautaires et de certaines interprétations culturelles ou religieuses, des décisions cruciales sont prises à leur place, bien trop tôt. Pourtant, chaque fille privée d’école pour être mariée prématurément, c’est un rêve interrompu, un potentiel étouffé, et une société qui se prive de sa propre richesse humaine.
Africitizen, à travers une approche d’analyse contextuelle fondée sur les données, identifie les causes systémiques qui perpétuent le mariage précoce au Bénin, à savoir :
- Des normes traditionnelles profondément enracinées, mais peu favorables aux droits des filles: selon lesquelles la valeur d’une fille est liée à son statut d’épouse, mettant ainsi une pression sociale aux parents pour marier tôt leurs filles.
- La pauvreté, augmentant la vulnérabilité économique des filles qui perçoivent le mariage comme « une porte de sortie » et des parents qui considèrent la dot comme un moyen d’enrichissement ou une source de revenus secondaire, favorisant ainsi les disparités entre les sexes et empêchant l’accès des filles à une autonomie financière.
- Le faible enregistrement des naissances impliquant une forte difficulté à prouver l’âge réel des filles: impossible de savoir si elles sont majeures ou pas par faute d’acte de naissance ou de jugement supplétif, une faible application des lois interdisant le mariage avant l’âge adulte s’en suit en plus d’un manque de mécanismes de protection pour les filles victimes.
Lutter contre le mariage des enfants au Bénin : quelles solutions pour protéger les filles ?
Face à cette réalité, il est indispensable de :
- Mobiliser les leaders communautaires et religieux pour augmenter les sensibilisations via la radio, les réseaux sociaux, des films et théâtres communautaires, pour déconstruire les mythes autour du mariage précoce.
- Soutenir les familles vulnérables à travers la facilitation de l’accès des femmes aux micro-crédits pour soutenir leur autonomie financière et des formations pratiques génératrices de revenus.
- Encourager les filles à s’instruire en renforçant les campagnes locales de distribution de kits scolaires et favoriser la construction d’infrastructures scolaires adaptées.
Une transformation possible, mais collective
Le combat contre le mariage précoce ne peut réussir sans un engagement multi-acteurs : institutions publiques, ONG, familles, enseignants, leaders locaux et jeunes eux-mêmes doivent être mobilisés. La transformation des normes sociales passe par une prise de conscience collective et une volonté politique claire.
Chez Africitizen, nous croyons qu’en misant sur la donnée, le dialogue communautaire et l’approche inclusive, nous pouvons co-construire des solutions pérennes pour garantir à chaque fille un avenir libre et digne.
Vous travaillez sur les droits des enfants, la scolarisation ou les politiques sociales ? Contactez Africitizen pour accéder à nos données d’analyse, ou pour co-développer des actions de terrain fondées sur l’intelligence locale.
Ensemble, agissons pour que chaque fille ait le droit de rêver, d’apprendre et de choisir sa vie.
Par Malick BOUKARY | Analyste en innovation sociale à Africitizen