Considéré comme une activité marginale en Afrique, l’élevage de lapins (cuniculture) est une filière en pleine croissance sur le continent. La population prend conscience des avantages nutritionnels qu’offre la viande de lapin et de ce que sa commercialisation peut générer comme revenu. Étant faible en gras, avec une teneur en protéines allant jusqu’à 20%, la viande de lapin est considérée comme une source de protéines saine. Elle est un choix intéressant pour une meilleure santé.
Au Bénin, le secteur de l’élevage constitue une composante essentielle du développement économique et social. De nombreuses politiques de développement, telle que la Stratégie Nationale du Conseil Agricole 2018-2025, prônent la promotion de la cuniculture pour le développement durable de l’agriculture. La cuniculture peut jouer un rôle important dans l’économie béninoise puisque sa viande est demandée au niveau national qu’international et la production n’arrive pas à répondre efficacement aux besoins sans cesse croissants des consommateurs.
L’élevage de bétail représente un long processus pour subvenir aux besoins d’urgence des foyers en protéine. Par contre, la cuniculture est un élevage à cycle court et constitue une importante source de revenus, de création d’emplois et de richesse pour la jeunesse béninoise. Ces dernières années, l’intérêt pour l’élevage de lapins est de plus en plus perceptible, ce qui insuffle une nouvelle dynamique à la filière et contribue lentement mais sûrement à lever certaines perceptions autour de l’élevage de lapins.
Sommaire
- 1 Pourquoi l’élevage de lapins constitue-t-il une opportunité durable de création de richesse pour la jeunesse ?
- 2 Les chiffres placent l’Egypte au sommet en Afrique
- 3 L’Egypte seule fournit près de 30% de la production africaine de viande de lapin, soit environ 180 000 tonnes.
- 4 Que faut-il faire pour maximiser le profit en tant que Cuniculteur ?
- 5 Stimuler l’élevage de lapins par des pôles de production adossés aux lycées agricoles
- 6 Des fermes-écoles pour une filière cunicole durable et inclusive
Pourquoi l’élevage de lapins constitue-t-il une opportunité durable de création de richesse pour la jeunesse ?
Le lapin est un mammifère qui peut se nourrir de fourrages, de graines de céréales, de restes de cuisine, de résidus de récolte et d’aliments composés. Son alimentation n’entre pas nécessairement en concurrence avec celle de l’homme. La reproduction chez le lapin est facile à gérer, ce qui rend le démarrage de l’activité accessible même aux débutants disposant de moyens limités. Les lapines sont très prolifiques. Une seule lapine peut produire 30 à 40 lapereaux par an en climat tropical que nous avons en Afrique de l’Ouest. Sa durée de gestation est de 30 jours en moyenne. De plus, tous les produits issus du lapin sont utilisables à savoir : la peau, les carcasses et les crottes. La viande de lapin est très riche en protéines et en vitamines B et pauvre en graisse et en cholestérol. Non seulement elle est une viande blanche, mais elle est également tendre.
Avec une croissance annuelle de la population estimée à 2,5%, il y a une augmentation constante de la demande de viande au Bénin et l’élevage de lapin est une des meilleures réponses. L’élevage de lapin est une opportunité d’affaires intéressante et économiquement viables. Comparativement à d’autres élevages, la mise en place d’une ferme cunicole nécessite moins d’espace. Avec 40m2 soit quatre mètres sur dix, on peut élever 12 reproducteurs et près de 200 lapins en engraissements sans un système de superposition des cages. Un simple clapier et une alimentation adéquate suffisent pour démarrer son élevage. La cuniculture est un élevage qui ne nécessite pas un grand investissement. De plus, vu que les lapins ont un taux de reproduction très élevé et atteignent la maturité en seulement 4 à 5 mois, les éleveurs obtiennent un retour rapide sur investissement. Le coût de l’alimentation est également un élément attractif.
Les chiffres placent l’Egypte au sommet en Afrique
Le statut quasi informel de l’élevage des lapins domestiques entrave la disponibilité des statistiques structurées dans ce secteur d’activité. Néanmoins, l’élevage de lapins est bien structuré avec d’importantes productions dans certains pays d’Afrique. En effet, selon l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Afrique avait produit environ 600 000 tonnes de viande de lapin en 2019. C’est à peine 38 grammes par personne et par mois – soit l’équivalent d’une petite bouchée, loin de répondre aux besoins en protéines animales croissants du continent. Cette consommation extrêmement faible traduit à la fois une pauvreté d’offre et une sous-exploitation d’un élevage pourtant accessible, durable et adapté aux réalités locales. Cette production relativement faible à l’échelle du continent masque également une forte disparité dans le déploiement du potentiel cunicole. En effet, la majorité de la production est concentrée dans quelques pays comme l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Kenya ; qui figurent aussi parmi les principales économies du continent. Ce déséquilibre géographique s’explique en partie par un meilleur accès aux infrastructures, aux financements, et aux marchés dans ces pays, mais il révèle surtout l’énorme marge de progression pour les autres États africains. Pour des pays comme le Bénin, cela représente une opportunité stratégique : rattraper ce retard pourrait permettre à la fois de diversifier l’économie agricole, de répondre aux besoins alimentaires, et de créer des emplois pour la jeunesse.
L’Egypte seule fournit près de 30% de la production africaine de viande de lapin, soit environ 180 000 tonnes.
Selon la FAO, la consommation de viande de lapin en Afrique augmente en moyenne de 4% chaque année depuis 2019, dépassant ainsi la croissance de la consommation d’autres viandes comme le poulet et le bœuf.
Au Burkina Faso, l’élevage de lapins domestiques est en plein développement. En 2010, selon le ministère des ressources animales, le Burkina Faso comptait seulement 265 834 têtes de lapins pour 1 379 cuniculteurs sur toute l’étendue du territoire national. Aujourd’hui, au regard de l’expansion de la cuniculture au Burkina Faso, l’effectif de lapins pourrait tourner autour de 500 000 têtes de lapins.
Que faut-il faire pour maximiser le profit en tant que Cuniculteur ?
Bien que l’élevage de lapins ne nécessite pas de grandes infrastructures, il est intéressant de faire une étude de marché pour évaluer les coûts d’entrée si l’on veut développer un business viable. L’élevage de lapins présente quelques défis spécifiques qui nécessitent des solutions adaptées pour garantir sa rentabilité.
En effet, un climat chaud et sec peut affecter la santé et le bien-être des lapins. La température à l’intérieur du clapier doit être bien régulée, les lapins sont très sensibles aux températures extrêmes. Pour surmonter ce défi, il faut construire des clapiers bien aérés et ombragés afin d’assurer un environnement frais pour les animaux. Aussi, la disponibilité et la qualité de la nourriture représentent une autre préoccupation majeure. Les lapins ont besoin d’une alimentation équilibrée pour une croissance optimale. Il faut éviter de nourrir les lapins entièrement et uniquement avec les fourrages. Il faut un mélange adapté avec l’achat de la provende certifiée. Par ailleurs, les maladies comme la myxomatose, les infections parasitaires et la maladie hémorragique virale du lapin (VHD) représentent un risque constant pour tout élevage de lapins. Avec un accès limité aux médicaments vétérinaires, la prévention devient indispensable pour réduire le risque d’épidémies. Il faut adopter des pratiques d’hygiène strictes, telles que le nettoyage régulier des clapiers et la mise en quarantaine des nouveaux lapins avant de les introduire dans l’élevage.
Enfin, la commercialisation et la distribution de la viande de lapin restent un défi dans certaines régions où la demande est encore limitée. Ainsi, il faut sensibiliser la population sur les avantages nutritionnels de la viande de lapin. Etablir des partenariats avec des restaurants locaux, des hôtels et des marchés peut également contribuer à créer un marché stable pour la commercialisation et la distribution de la viande de lapin.
Stimuler l’élevage de lapins par des pôles de production adossés aux lycées agricoles
Une politique publique ambitieuse de promotion de cette filière stratégique pourrait consister à créer des fermes collaboratives implantées à proximité des lycées agricoles. Ces pôles seraient dotés d’infrastructures de production mutualisées, accessibles aux jeunes formés via un système de leasing des moyens de production (matériel, reproducteurs, bâtiments) pour exploiter des unités individuelles ou groupées.
Un accompagnement à la commercialisation collective permettrait ensuite de sécuriser les débouchés, tout en renforçant le pouvoir de négociation des producteurs.
Ce type de dispositif favoriserait l’émergence de zones spécialisées de production cunicole à haute valeur ajoutée, tout en contribuant à l’emploi des jeunes, à la structuration des territoires agricoles et à la sécurité alimentaire locale.
Des fermes-écoles pour une filière cunicole durable et inclusive
Implanter une unité cunicole collaborative au sein d’un lycée agricole, c’est bien plus qu’un projet pédagogique : c’est une stratégie concrète de transformation socio-économique. Avec seulement 5 femelles et 1 mâle par élève, un jeune peut produire jusqu’à 130 lapins prêts à la vente par an, générant un revenu brut d’environ 585 000 FCFA. Après déduction des charges d’exploitation et d’une redevance annuelle liée au leasing des moyens de production (environ 20 000 FCFA/mois), le revenu net estimé reste supérieur à 300 000 FCFA par élève et par an. À l’échelle d’une cohorte de 20 élèves, ce dispositif permettrait de produire au moins 2 600 lapins chaque année, pour plus de 6 tonnes de viande et un revenu net collectif de plus de 6 millions de FCFA. Ce modèle, adossé aux lycées agricoles, combine apprentissage pratique, autonomisation économique et ancrage territorial. En démocratisant l’accès aux outils de production par un système de leasing, et en structurant la commercialisation collective, il pose les bases de zones spécialisées à forte valeur ajoutée, capables de dynamiser l’emploi jeune et de renforcer la sécurité alimentaire locale.
Références
PISCCA. (2021). La cuniculture, un tremplin de réussite pour les jeunes filles en situation de vulnérabilité
CFSI. Promotion de l’agriculture familiale en Afrique de l’Ouest
FAO. (2018). Manuel technique : L’élevage de lapins au Bénin
Par Gérald AMAHOWE | Analyste en innovation sociale à Africitizen
