L’essor des légumineuses au Bénin : une dynamique impressionnante

Portés par la passion des cultivateurs, les champs du Bénin se transforment grâce au soja.

Les légumineuses, plantes dont les graines comestibles sont contenues dans des gousses, occupent une place de choix dans les systèmes agricoles et alimentaires mondiale. Le soja par exemple est l’une des cultures les plus importantes à l’échelle mondiale. Il est utilisé dans la production d’huile végétale, d’aliments pour animaux, de produits transformés (comme le tofu ou le lait de soja), et même de biocarburants dans certains pays. Riches en protéines, en fibres et en éléments nutritifs essentiels, les légumineuses constituent une source nutritionnelle essentielle pour les populations et jouent un rôle important dans la fertilité des sols. Cultivées dans toutes les régions du pays, des espèces telles que le niébé (haricot), le voandzou, le pois d’angole, l’arachide, le sésame ou encore le soja constituent un levier essentiel pour améliorer les régimes alimentaires, lutter contre la pauvreté et accroître les revenus agricoles. Elles contribuent à la fois à la sécurité alimentaire, aux revenus des ménages ruraux et à la diversification des cultures vivrières.

Dans un contexte de transformation agricole accélérée, marqué par la recherche de plus de productivité et d’un meilleur accès aux marchés, le suivi de l’évolution de ces cultures revêt une importance capitale. C’est dans cette logique qu’une enquête de terrain a été menée dans l’ensemble des départements du pays auprès des exploitations agricoles familiales, lesquelles représentent près de 90 % des producteurs au Bénin (RNA, 2020) avec l’appui des Services Communaux de l’Agriculture (SCA) et des Centres Régionaux pour la Promotion Agricole (CeRPA).

Les résultats, publiés en mars 2024 par la Direction de la Statistique Agricole (DSA) [1], mettent en évidence une hausse significative de la production nationale de légumineuses, portée en grande partie par l’essor spectaculaire du soja, désormais reconnu comme la légumineuse dominante dans le paysage agricole béninois.

📈 Les chiffres clés – Que disent les données ?

68% d’augmentation en cinq ans de la production nationale des légumineuses est enregistrée entre 2018 et 2023 passant de 502 564 tonnes à 845 577 tonnes. La moyenne annuelle de production sur la période 2018-2022 s’établissait à 611 729 tonnes, ce qui évoque 38% de performance supérieure à la moyenne en ce qui concerne l’année 2023. Cette croissance soutenue témoigne d’une dynamique positive dans les systèmes de production vivrière du pays et positionne désormais le Bénin parmi les acteurs agricoles majeurs en Afrique de l’Ouest dans le domaine des légumineuses, aux côtés du Nigéria, du Niger ou encore le Burkina Faso (FAO, 2023). 

Plus encore, la période 2021-2023 se distingue par une accélération remarquable, avec une hausse de +215 702 tonnes en seulement deux campagnes agricoles. Ce bond quantitatif reflète non-seulement une meilleure organisation des filières agricoles, une extension des superficies cultivées et une amélioration des rendements à l’hectare, mais aussi une mobilisation accrue des producteurs autour de ces cultures stratégiques ainsi qu’une demande croissante sur les marchés nationaux et internationaux (DSA, 2024). 

🌱 Les cultures les plus dynamiques – Qui gagne, qui perd ? 

Le Soja, la nouvelle locomotive

La production de soja a atteint un niveau record de 520 929 tonnes en 2023 contre 178 185 tonnes en 2018, soit une multiplication par près de 3 en cinq ans. Cette performance spectaculaire fait du soja la légumineuse la plus produite du pays, représentant plus de 61 % de la production totale de légumineuses en 2023. Son essor est soutenu par les politiques de promotion de la filière auprès des producteurs, l’intérêt des marchés internes de la zone industrielle de Glo-Djigbé notamment la GDIZ, et une forte adhésion des producteurs dans le nord et le centre du pays.

L’Arachide, une valeur sûre 

Deuxième culture la plus produite avec 178 954 tonnes en 2023 représentant plus de 21% de la production totale en 2023, sa production reste relativement stable au fil des années, avec une moyenne autour de 170 000 tonnes, soulignant sa stabilité et son rôle essentiel dans l’alimentation et l’économie locale.

Le Niébé/Haricot, un pilier traditionnel en légère perte de vitesse

Le niébé, aussi appelé haricot, demeure l’une des légumineuses les plus cultivées au Bénin. Avec une production moyenne de 135 467 tonnes sur la période 2018–2022, il s’est classé troisième culture légumineuse du pays sur toute la période 2018-2023. Toutefois, l’année 2023 enregistre un net recul à 122 744 tonnes, soit une baisse de près de 10% par rapport à la moyenne quinquennale (2018-2022). Néanmoins, le niébé reste une culture stratégique pour la sécurité alimentaire, en particulier dans les zones arides du nord du pays.

🌾 Les cultures émergentes : discrètes mais prometteuses

À côté des filières dominantes, d’autres légumineuses, encore peu produites à l’échelle nationale, montrent des signes encourageants de développement. Bien que leur part dans la production nationale reste encore faible soit encore marginal dans le volume global, leur progression constante et leur potentiel économique en font des cultures qui méritent attention.

Le dohi (doyiwé ou encore lentille de terre) : une croissance impressionnante

Traditionnellement peu cultivé, le dohi a vu sa production passer de 859 tonnes en 2018 à 2 291 tonnes en 2023, soit une hausse de 167 % en cinq ans. Cette croissance, bien que sur de petits volumes, témoigne d’un regain d’intérêt, tant chez les producteurs que chez les consommateurs, pour cette légumineuse forte appréciée localement pour ses qualités nutritionnelles et son goût.

Le sésame : un débouché agro-export potentiel

Cultivé principalement dans les régions septentrionales, le sésame voit sa production augmenter progressivement, de 701 tonnes en 2018 à 1 713 tonnes en 2023, soit une hausse de plus de 144% en cinq ans. Avec une demande croissante sur les marchés internationaux, cette culture présente un fort potentiel de valorisation économique et pourrait, à moyen terme, offrir de nouvelles opportunités de revenus pour les petits producteurs, notamment à travers des débouchés à l’export.

🚀 Et demain ? Ce que le Bénin peut faire

L’essor des légumineuses au Bénin est une opportunité unique pour renforcer la souveraineté alimentaire, créer de la valeur en milieu rural et transformer son agriculture. Pour y parvenir, il est nécessaire de structurer la filière autour de leviers d’action clés. 

1. Améliorer l’accès à des semences de qualité 

Il est indispensable de mettre en place un programme national de diffusion de semences améliorées, avec des centres de distribution dans chaque zone agricole et des formations pratiques à leur utilisation. Le Nigeria, avec le programme Tropical Legumes [2] a réussi à accroître ses rendements grâce à des variétés plus productives de niébé, soja et arachide. 

2. Protéger les récoltes avec des solutions naturelles

Pour limiter des pertes post-récolte, il devient indispensable de former les agents agricoles à des techniques de lutte intégrée contre les insectes et maladies des légumineuses : utilisation d’extraits de neem, pièges à phéromones, utilisation de sacs hermétiques (essentiels pour conserver les récoltes en bon état). Au Burkina Faso et au Nigeria, ces solutions permettent de mieux conserver les récoltes et de sécuriser les revenus des producteurs (FAO, 2015).

3. Stimuler la transformation locale pour plus de valeur ajoutée 

Doter les coopératives de petits équipements (moulins, mélangeurs, râpes) et former les femmes et les jeunes à produire une diversité de dérivés innovants (crèmes végétales à base de soja, purée d’arachide prête à l’emploi, farines enrichies pour la restauration scolaire, snacks sains à base de niébé, etc.) peut générer des revenus supplémentaires. Le Sénégal a montré l’exemple avec le Niébétruck [3], une unité mobile de transformation qui valorise directement les légumineuses (transformation en purée, galettes, farines et produits prêts à consommer) en zone rurale (CIRAD, 2024). 

4. Faciliter l’accès au financement des petits producteurs 

Créer un fonds Un fonds spécial dédié aux légumineuses pour financer l’achat de semences, d’engrais biologiques, de matériel de transformation et de stockage, tout en soutenant les coopératives rurales et les projets de jeunes entrepreneurs agricoles. Au Nigeria par exemple, le programme Anchor Borrowers [4] propose des prêts à taux réduit aux petits producteurs tout en leur fournissant des intrants et un encadrement technique (CBN, 2021).

Un proverbe africain dit : « Le mil appartient à celui qui l’a semé, pas à celui qui l’a regardé pousser ». Pour récolter pleinement les fruits de sa transition agricole, le Bénin doit aujourd’hui miser sur une stratégie concrète, inclusive et ambitieuse.

Par Malick BOUKARY | Analyste en innovation sociale à Africitizen

[1] Institut national de la statistique et de l’analyse économique (INSAE, Bénin). (2024, mars). Résultats définitifs de la campagne agricole 2022-2023.  

[2] Tropical Legumes Hub. (2020, juin). Tropical Legumes III factsheet – Nigeria. CIAT, IITA, ICRISAT.

[3] CIRAD. (2024, février 12). Légumineuses : un foodtruck pour la sécurité alimentaire.  

[4] Central Bank of Nigeria (CBN). (2021, octobre 13). Anchor Borrowers’ Programme: Guidelines.