Inscription universitaire en Afrique : un maillon faible pour l’accès équitable à l’enseignement supérieur.

L’Université d’Abomey‑Calavi modernise son système d’inscription universitaire avec une plateforme numérique, marquant un tournant prometteur pour l’enseignement supérieur au Bénin. Pourtant, derrière un taux de validation de 84 %, plus de 10 000 étudiants restent en marge du système, freinés par des obstacles invisibles mais profonds. Africitizen s’est penché sur ces défis pour mieux comprendre ce qui empêche une transformation réellement inclusive et proposer des leviers d’action concrets.

L’Université d’Abomey-Calavi (UAC), fleuron de l’enseignement supérieur béninois et pôle académique majeur en Afrique de l’Ouest, cristallise les défis et avancées en matière d’accès équitable à l’université. Ces défis ne se jouent pas seulement sur les bancs des amphis, mais dès les premières étapes : orientation, admission, inscription. Dans de nombreux pays subsahariens, ces processus sont encore marqués par :

  1. Des pratiques manuelles (dossiers papier, files d’attente épuisantes).
  2. Un manque de transparence (favoritisme, opacité des quotas).
  3. Des freins logistiques (coûts de déplacement, corruption).

Résultat : une perte de temps, de talents et de confiance envers le système éducatif.

L’UAC a amélioré son système d’inscription en lançant dès la rentrée de l’année académique 2024-2025, sa plateforme [1] d’inscription en ligne. Ce système innovant démocratise l’ensemble du processus de validation académique, marquant une rupture avec les méthodes traditionnelles. La cellule de pilotage du campus numérique, en collaboration avec Africitizen, a réalisé une extraction et une analyse de données automatisée le 7 mai 2025 sur l’adoption de cette plateforme par les étudiants. Les résultats révèlent une tendance très encourageante, démontrant l’efficacité de cette digitalisation. Une innovation universitaire qui s’inscrit dans la dynamique nationale de digitalisation des services publics au Bénin.

Inscription universitaire en ligne : que révèle l’adoption de la plateforme UAC au Bénin ?

Avec plus de 84% d’inscriptions validées, l’UAC montre qu’une transition numérique bien pensée peut faire bouger les lignes. Derrière cette réussite significative se cachent des enjeux profonds et préoccupants : plus de 15% des étudiants, soit près d’un sur six, n’ont pas encore pu profiter de cette nouvelle avancée, pourtant indispensable à la continuation de leur parcours universitaire. Ce sont plus de 10000 étudiants qui n’ont pas pu finaliser leur inscription: derrière ce nombre, ce sont autant de parcours suspendus, de rêves en attente, freinés par des obstacles souvent invisibles mais bien réels. 

Africitizen a interrogé près de 1200 étudiants dans cette position et met en lumière une réalité plus nuancée que la simple fracture numérique. Les obstacles à la validation de leur inscription universitaire sur la nouvelle plateforme de l’UAC relèvent autant des comportements étudiants que des lacunes techniques persistantes.

  1. Un manque d’information et de communication : plusieurs d’étudiants ignorent que la période des inscriptions est ouverte ou ne comprennent pas les étapes à suivre sur le site à cause de leur manque d’attention aux instructions disponibles sur la plateforme web. Ils ne consultent pas les vidéos explicatives disponibles et n’exploitent pas les ressources mises à disposition, ce qui les empêche d’achever le processus.
  2. Une dépendance à l’aide extérieure et un manque d’initiatives : certains étudiants n’essaient même pas de s’inscrire eux-mêmes, préférant attendre l’aide d’un ami, d’un parent ou d’une autorité. D’autres se contentent de reporter l’inscription par manque de motivation ou par simple négligence.
  3. Contraintes d’accès numérique : l’accès à internet reste un frein important. Plusieurs étudiants n’ont pas de data ou de matériel adéquat pour le processus d’inscription. Certains ne disposent même pas d’adresse e-mail, pourtant indispensable à la finalisation du processus.
  4. Un dysfonctionnement technique de la plateforme et des problèmes de synchronisation : des bugs liés à la carte d’étudiant ou au transfert des données entre l’ancienne et la nouvelle plateforme bloquent la validation. Les étudiants en année de soutenance ou allant en année supérieure sont particulièrement affectés, et cela entraîne des files d’attente quand ils viennent se renseigner à la scolarité, malgré le système de rendez-vous sur la plateforme.

Autant de barrières, inhérentes à la gestion des ressources humaines dans un processus de digitalisation, qu’il est essentiel de relever pour faciliter l’accès de tous les jeunes Béninois à une éducation de qualité.

Inscription universitaire au Bénin : quels leviers pour surmonter les freins à la digitalisation ?

Plusieurs facteurs, tels que la faible implication des étudiants, les obstacles techniques et le manque d’information, freinent considérablement l’atteinte de l’objectif d’un taux de validation des inscriptions de 100 % à l’UAC via l’adoption de la plateforme. Pour inverser cette tendance, des actions concrètes s’imposent :

  1. Renforcer la communication dans les entités, les amphithéâtres et les espaces étudiants à travers des campagnes ciblées via les responsables étudiants, les forums de discussion (WhatsApp, Facebook, Messenger…), les médias étudiants et des affichages stratégiques (portails, cantines, salles d’étude…).
  2. Mieux accompagner les étudiants, en rendant les outils pédagogiques plus visibles et interactifs : par exemple, intégrer un bouton « Savez-vous utiliser la plateforme ? » qui redirige vers un tutoriel « Comment ça marche ? » en cas de réponse négative.
  3. Assurer une résolution efficace des dysfonctionnements identifiés, notamment les conflits entre l’ancienne et la nouvelle base de données, et optimiser le système de rendez-vous pour éviter les engorgements.

Vers une transformation numérique inclusive de l’enseignement supérieur

La digitalisation des universités béninoises ne peut se résumer à l’introduction d’outils technologiques. Elle appelle à une réforme profonde, centrée sur les usages, les capacités humaines et l’inclusion de toutes les parties prenantes, à commencer par les étudiants eux-mêmes. Loin d’être un luxe, le numérique est aujourd’hui un levier essentiel pour améliorer la qualité, l’accessibilité et la gouvernance de l’enseignement supérieur.

Chez Africitizen, nous croyons qu’aucun changement durable ne peut se faire sans les citoyens. En soutenant les communautés éducatives à mieux faire entendre leurs besoins, en formant les jeunes à l’innovation sociale par les données, et en accompagnant les institutions dans leurs démarches participatives, nous contribuons à bâtir une éducation plus juste, plus efficace, et surtout plus partagée.

Vous travaillez sur des projets liés à l’éducation, à l’innovation sociale ou à la gouvernance numérique ? Africitizen accompagne institutions, universités et porteurs d’initiatives dans la co-création de solutions inclusives fondées sur les données probantes. Contactez-nous et bâtissons ensemble des réponses durables aux défis de demain.

« La numérisation n’est pas une fin en soi, mais un levier pour réinventer l’équité. »

Par Malick BOUKARY | Analiste en Innovation sociale à Africitizen